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Strates

Pièce acousmatique stéréo, 2016

« En ce temps-là, les oreilles des hommes entendaient des sons dont nulle science ou magie ne retrouvera jamais l'angélique pureté »
Hermann Hesse, Le Jeu des perles de verre

« Le paysage était là avant nous, Et il sera l'écho de notre regard. »
Jean-Léon Pallandre, Neuvième lecture sur le paysage

Comment souligner l'instabilité et la fragilité du paysage sonore ? C'est à cette question que « les thèmes de l’écologie sonore, de l’écoute et de la décroissance dans les arts » proposés par le festival Transitions sonores m’ont fait réfléchir. Pour tenter d'y répondre je me suis lancé sur plusieurs terrains de réflexion qui m'ont amené vers deux pistes divergentes. La première fut la création d'un paysage sonore artificiel, factice, sonnant faux. La seconde fut la création d'un paysage sonore primordial, pur et divin. La première débouche sur la collecte de nombreuses phonographies, tandis que la seconde me laissait, de mon point de vue, une plus grande liberté quant au choix des matériaux sonores. Je retenais cette seconde idée car je décidais de créer un paysage sonore imaginaire pour renforcer cette idée de primordial, n'utilisant pas, ou presque pas, de phonographies. Je rassemblais pour cela de nombreux sons de synthèse (additive, modulation de fréquence, modulation en anneau, granulaire) ainsi que des sons concrets. Finalement je me décidais à utiliser une phonographie afin de renforcer l'idée de paysage sonore imaginaire, créant ainsi un lien plus fort de réalité déformée.

Cette pièce est une déambulation dans différents plans horizontaux. C'est une sorte de cartographie sonore d'un paysage de la nuit des temps. Ses différentes strates évoluent de façon différenciée tout en étant intimement liées, en permanence à l'écoute les unes des autres et influencées par les péripéties de chacune. L'auditeur se promène alors dans ces différentes strates, passant de l'une à l'autre, non pas comme bon lui semble, mais guidé par le narrateur. Après avoir oscillé lentement à travers ces multiples couches, l'auditeur est projeté hors de ces matériaux très denses pour se retrouver à l'extérieur sous une pluie battante; mais rapidement il replonge jusqu'au fin fond des profondeurs de la Terre, là où se termine la pièce. Le choix de l'eau comme phonographie s'est fait naturellement. Je voulais faire entendre l'un des quatre éléments qui furent les premiers sons entendus sur Terre mais également les derniers. Le bruit de pluie est une sorte de texture très dense se rapprochant du bruit blanc ; cependant à l'échelle microscopique, cette texture est composée d'une infinité de sons de gouttes d'eau, tous semblables mais avec de légères variations, créant ainsi une sorte d'hétérophonie.

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